J'suis crevée/lessivée MAIS j'arrive pas à aller me pieuter ...
J'pourrais te parler de ces trop nombreux visages/regards qui m'empêchent de trouver le sommeil ...
Visages/regards ravagés par l'épuisement physique et moral , par l'alcool et les drames et les combats incessants contre XXXX adversaires .........
Regards de gosses qui vieillissent trop vite ou qui ne sont pas forcément nés au bon endroit/bon moment , élevés par des connasses immatures à la main leste ...
Regards d'hommes/femmes dont les vies sont en général finies alors qu'ils/elles n'ont même pas la quarantaine ...
Regards de paumés abandonnés qui frissonnent tandis que je tente de garder une certaine contenance et de leur sourire gentiment en leur serrant la main sans leur demander comment ils/elles vont parce que les réponses sont toutes plus tristes et noires les unes que les autres .
Regards vides , visages creusés et sales , mains séches ou tremblantes , maladies, addictions , ça sent mauvais , le désespoir est la en permanence ...
Violence a fleur de peau qui menace d'exploser à la moindre réflexion ...
Ambiance pesante étouffante , sensation d'être assise en permanence sur une bombe sur le point d'exploser et je ne me fais pas petite pour autant .
Je reste droite dans mes docs et du haut de mes 1m58 je souris gentiment à chacun et à chacune parce que ça fait partie de mon rôle et parce que c'est tout ce que je peux faire pour elles/eux : leur sourire, échanger quelques mots dans la cage d'escaliers ou je suis seule avec elles/eux avant de leur faire franchir la porte des bureaux au premier étage , quelques secondes/minutes où je suis seule avec ces hommes/femmes/enfants et où en quelques instants je suis sensée cerner le " cas " , l'urgence ( c'est toujours une urgence ) , le danger potentiel .....
Et tu veux que je te parle des femmes battues/torturées?
Des gosses maltraités /affamés?
Des abus sexuels ?
Des cris et des bastons et des couteaux ?
Et encore de ces regards qui se posent sur moi quand je viens ouvrir la porte xx fois par jour? Regards remplis d'espoirs vite déçus ?
Ou de cet argent dilapidé dans des petits fours que les cadres dévorent allégrement en s'autocongratulant grassement parce
qu'ils pensent avoir mené à bien leurs missions alors que ce matin encore je voyais défiler des hommes aux mains bleuies par le froid parce que pas de place la nuit derniére pour dormir au chaud
?
5 mois que je vis cela , 5 mois que je suis confrontée brutalement et sans aucune préparation à tout cela ...
Et l'on me dit que je suis à un " poste clé " et que je dois assurer ...
Sauf que préparée je ne l'étais pas et qu'on m'a balancée la bas du jour au lendemain sans m'avertir .
Parce je suis incapable de me protéger longtemps, j'peux m'abriter quelques heures/jours et zapper ce que j'entends/vois/lis ( putain si tu savais ... ) mais je ne suis pas un abime sans fond et forcément à un moment je sature ...
Et je me sens mal dans ma peau en ce moment parce que je raméne ces regards à la maison dans ma tête .
Et je me sens mal dans ma peau parce que je ne comprends pas comment font ces travailleurs sociaux le soir venu pour ranger leurs bureaux et rentrer chez eux contents de leurs journées alors que la journée n'a été qu'un défilé non stop de misére/drame/souffrance ....
Parait que c'est moi qui ne suis pas assez "pro " pas assez détachée et professionnelle , trop dans l'empathie .
Parce qu'être trop dans l'empathie s'pas bien ...
Bah ouais mais j'vois pas comment je pourrais faire autrement .
Plus que (? ) 8 mois à tenir .....
La question étant la suivante : vais je tenir jusqu'au bout sans m'effondrer à un moment ou à un autre ...
Et tandis que je tape tout cela sur mon clavier bien au chaud chez wam , il neige ....